Le spectacle

Esperluette

Toujours animées par les liens existants entre la littérature et la musique et toujours friandes de jeux possibles entre ces deux domaines, nous avons continué à découvrir des liens amicaux ou amoureux qui ont donné naissance à des pages ou mélodies sublimes.

Si l’univers oulipien, dont la créativité se nourrit de contraintes, a présidé à l’élaboration de La Cimaise et la Fraction, le spectacle musical Esperluette (&) se laisse davantage emporter par le souffle Dada et sa quête effrénée de liberté expressive.
Le début du XXème siècle a été marqué par des inventions qui vont bouleverser la communication qui progressivement prendront leur place également dans le monde des arts.

Notre ensemble, formé d’un duo de musiciennes multi-instrumentistes, crée des relations où l’absent est au centre de l’intérêt, où la communication devient absurde, truffée de malentendus, où des interlocuteurs s’invitent le temps d’un texte, d’une mélodie ou d’une chanson.

Esperluette (&) est un spectacle musical tout public qui met en exergue la question cruciale du lien : amical, familial, amoureux. S’appuyant sur la formation du duo, les musiciennes évoquent une relation entre deux personnes et explorent différents moyens de communication de la vie quotidienne que l’on retrouve dans les éléments scénographiques de la pièce : un sketch (Le télégramme de Yves Montand), un téléphone (le téléphone de Menotti et La Voix humaine de Poulenc), une machine à écrire (The Typewriter de Andersen), des lettres (L’Alphabet des Aveux de Vilmorin, La lettre de Cendrars, Elaeudanla Teïtéïa de Gainsbourg). Tant la poésie, la chanson que le répertoire classique offrent des exemples dont le moyen et la manière de communiquer est au centre de l’oeuvre. Il y a donc matière à exploiter les outils de communication et occasion de rire ou de pleurer de ses travers.

Dessin, typographie, onomatopées tout est moyen d’expression artistique. Ainsi inspiré par la poésie sonore Dada ou par l’esprit du théâtre musical d’Aperghis, Esperluette (&) présente un univers qui se nourrit de mots et de notes où le sens est tout aussi important que la manière de l’exprimer.

C’est le contexte qui va donner un sens à un mot ou à un texte : en jouer permet de multiplier les interprétations, les compréhensions, de bousculer l’ordre établi des convenances, de dévoiler un sous-texte en s’exprimant de manière décalée, cryptée ou simplement poétique. Ainsi, l’ordre des lettres, les doubles-sens (Les Nuits d’une demoiselle de Colette Renard), l’orthographe (En relisant ta lettre de Gainsbourg) ou l’usage d’une langue imaginaire (Désir d’Aperghis et Aria de Cage) deviennent un matériau ludique d’exploration sonore.

Que la littérature et la musique s’inspirent mutuellement, voilà qui n’est guère nouveau, ce qui est plus novateur en revanche, c’est la prise en compte, dans la sphère artistique, des derniers développements technologiques. Ainsi la typographie a trouvé un nouveau souffle avec l’imprimerie, à la fin du XIX -ème, jusqu’à être considérée comme un art à part entière. Les outils de communication sont en pleine effervescence : la machine à écrire joue un rôle majeur au cours du XX -ème siècle. De même, le téléphone, est mis au point dans cette même période ainsi que l’invention de l’échelle Monoyer, planches faites de lettres que nous allons largement détourner de son utilité première, cabine de téléphone ou poste de télégraphe, abri d’écrivain public ou support visuel pour les partitions graphiques d’Aperghis ou de Cage.

Dans l’esprit intimiste d’un petit théâtre, nous avons créé l’espace scénique d’une pièce qui deviendra tour à tour cuisine, lieu pour les conversations, boudoir où l’on se retire quand on veut être seul pour lire ou écrire une lettre, chambre à coucher quand le ton est au Vaudeville mais aussi comme dernier repaire lorsque la situation devient tragique. La voix chantée et parlée ainsi que nos différents instruments de musique (une flûte, deux accordéons, un mini piano, un violoncelle) vont sonner comme différentes voix et symboliser autant les absents que les présents. Poèmes, sketchs, chanson française et répertoire classique vont se croiser dans une dramaturgie en tableaux dont le fil conducteur est le mode de communication.

Programme

Gian Carlo Menotti Hello ! Oh, Margaret, It’s you extrait de l’opérette L’amour à 3 / The Telephone
Louise de Vilmorin extrait de l’Alphabet des Aveux
Georges Aperghis Récitation 9 (Désir)
Jean-Baptiste Lully Récit de la Beauté extrait de la comédie-ballet Le mariage forcé
George Sand et Alfred de Musset Correspondances
Colette Renard Les nuits d’une demoiselle
Serge Gainsbourg Elaeudanla Teïteïa
Leroy Anderson The Typewriter
Serge Gainsbourg En relisant ta lettre
Yves Montand et Simone Signoret Le télégramme
Claude Nougaro Rimes
Jean Cocteau extraits de La Voix humaine
John Cage Aria
Richard Galliano / Claude Nougaro Vie Violence