La Cimaise et la Fraction
Ce spectacle musical explore de manière ludique la dualité humaine au travers de différentes versions littéraires, de plusieurs arrangements musicaux et de nombreuses interprétations d’une des plus célèbres fables de Jean de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi. Quoique varié, le programme révèle une constellation d’écrivains ou de compositeurs, étroitement liés par un esprit innovateur. Les deux musiciennes portent un regard interrogateur sur le fond et la forme, parfois provocateur, jamais moralisateur…
Le programme dévoile certaines formes d’expression qui ont marqué tout le XXème siècle : la convocation de la contrainte ou du hasard, l’invention de nouvelles notations, l’expérimentation des possibilités combinatoires en musique et en littérature.
L’instrumentarium se prête également au jeu des combinaisons : deux musiciennes, sept instruments et un looper… Pensés comme un petit théâtre musical avec une mise en espace et une scénographie, les textes et les musiques sont présentés en mouvements et par cœur.
Bien que revisitées ou réarrangées, les œuvres sont toujours traitées avec un immense respect du texte.
Le titre du spectacle, La Cimaise et la Fraction, est le nom d’un poème éponyme de Raymond Queneau qui fonde en 1960 l’Ouvroir de la Littérature Potentielle (OuLiPo). Ce laboratoire s’intéresse à l’utilisation de structures mathématiques dans la création littéraire et invente de nouveaux mécanismes de création artistique.
Ce spectacle musical explore de manière ludique la dualité humaine au travers de différentes versions littéraires, de plusieurs arrangements musicaux et de nombreuses interprétations d’une des plus célèbres fables de Jean de La Fontaine, La Cigale et la Fourmi. Quoique varié, le programme révèle une constellation d’écrivains ou de compositeurs qui sont étroitement liés par un esprit innovateur. Les deux musiciennes portent un regard interrogateur sur le fond et la forme, parfois provocateur, jamais moralisateur…
Avec humour, elles interrogent également les structures, le fond et la forme.
Le programme dévoile certaines formes d’expression qui ont marqué tout le XXème siècle : la convocation de la contrainte ou du hasard, l’invention de nouvelles notations, l’expérimentation des possibilités combinatoires en musique et en littérature.
L’instrumentarium de ce spectacle se prête également au jeu des combinaisons : deux musiciennes, sept instruments et un looper… Pensés comme un petit théâtre musical avec une mise en espace et une petite scénographie, les textes et les musiques sont présentés en mouvements et par cœur.
Bien que revisitées ou réarrangées, les œuvres sont toujours traitées avec un immense respect du texte.
Le titre du spectacle, La Cimaise et la Fraction, est le nom d’un poème éponyme de Raymond Queneau qui fonde en 1960 l’Ouvroir de la Littérature Potentielle (OuLiPo). Ce laboratoire s’intéresse à l’utilisation de structures mathématiques dans la création littéraire et invente de nouveaux mécanismes de création artistiques.
C’est le cas de la méthode S+7 consistant à remplacer chaque substantif d’un texte par le septième mot suivant dans le dictionnaire. Cette méthode, exposée en 1961, est une des premières contraintes littéraires inventées par l’OuLiPo.
La Cimaise et la Fraction est le résultat de la transformation opérée par Raymond Queneau en 1973 sur la fable La Cigale et la Fourmi de Jean de La Fontaine.
L’arbitraire du procédé conduit à des résultats souvent absurdes et amusants, parfois étonnants: dans le poème de Queneau, cigale devient cimaise. Ce terme sied bien à la cigale qui se consacre à la chanson, puisqu’il est utilisé dans un contexte artistique en architecture ou encore au musée pour désigner un système d’accrochage de tableaux sans clou ni vis.
Avec la méthode S+7, fourmi devient fraction. Au delà de la terminologie mathématique évidente, la fourmi est affublée d’une étiquette rationnelle, froide et calculatrice. Ce qui, par le plus heureux des hasards, correspond au portrait que Jean de la Fontaine lui a brossé…
Pour les deux animaux, la part de hasard présente dans la méthode oulipienne fait bien les choses: La Cimaise et la Fraction (Raymond Queneau).
D’une part, la question de l’emprunt, sujet central de la Cigale et la Fourmi de Jean de La Fontaine, est traitée ici plus largement dans la création artistique, à savoir l’origine, la transformation, le statut du véritable auteur ou compositeur, ce que les Grecs anciens nommaient Inventeurs.
Jean de La Fontaine écrit en 1668 au Dauphin, futur roi de France alors âgé de 7 ans, à qui il dédicaça ses fables:
« Je Chante les héros dont Esope est le père
Troupe de qui l’histoire, encor que mensongère,
Contient des vérités qui servent de leçons »
L’emprunteur de la fable d’Esope (écrivain gres du VI ème siècle avant J.-C.) ne serait-il pas Jean de La Fontaine lui-même?
Sans oublier qu’il fut hébergé par Madame de La Sablière pendant vingt ans qui lui évita tout souci matériel afin qu’il puisse se consacrer entièrement à ses créations… La cigale avait trouvé une bonne fourmi!
Les spectateurs entendront les vers de Jean de La Fontaine dans deux différentes compositions musicales : La Cigale et la Fourmi de Jacques Offenbach et d’Isabelle Aboulker.
Les membres de OuLiPo, littéraires et mathématiciens, n’ont-ils pas eux aussi emprunté leurs bases aux Grands Rhétoriqueurs du milieu du XVème siècle ? Comme eux, ils ne formaient pas une école et ont adopté des principes d’écriture. À l’époque déjà, ils excellaient dans l’invention poétique. Ces membres de l’OuLiPo ont d’ailleurs loué les jeux verbaux et les expérimentations sonores des Grands Rhétoriqueurs.
En chanson française, Serge Gainsbourg a abondamment puisé dans le répertoire de musique classique les thèmes de ses mélodies : Beethoven, Chopin, Dvorak… C’est pourquoi La recette de l’amour fou fera le lien avec les paroles de La Cigale et la Fourmi du grand Serge.
Le deuxième axe pour le spectacle est la question de la forme et du fond d’une pièce musicale ou d’un texte qui dépend des règles fixées (jeux de mots, figures de style, contraintes oulipiennes, jeux combinatoires) et de mettre en lumière des correspondances existantes entre la littérature et la musique.
C’est ainsi que Guillaume de Machaut, Grand Rhétoriqueur de la fin du Moyen-Âge, oulipien avant la lettre, plagiaire par anticipation, a expérimenté des possibilités de la langue comme des palindromes littéraires et musicaux : Ma fin est mon commencement.
Le besoin des membres de l’OuLiPo de se créer de nouvelles règles ne découle pas d’un amour des règles mais d’une profonde recherche de liberté. Selon Raymond Queneau : « Créer le désordre par l’ordre ». C’est alors que s’ouvre tout le champ des possibles et que le hasard intervient.
En 1913, Marcel Duchamp introduit la notion de hasard dans la composition musicale avec La mariée mise à nu par ses célibataires, même – Erratum musical 2. N’avait-t-il pas en tête un des célèbres palindromes : La mariée ira mal ?
Comme l’écrit Jean de La Fontaine au sujet de ses fables :
« Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons :
Ce qu’ils disent s’adresse à nous tous tant que nous sommes »
Le bestiaire est une invitation à reconnaître la nature humaine avec toutes ses contradictions.
Parmi les nombreux inspirateurs, auteurs grecs ou latins de Jean de La Fontaine, il y a Horace. Sa célèbre sentence Carpe diem, reprise plus tard par Ronsard avec son non moins célèbre poème Mignonne, allons voir si la rose, est reprise à son tour dans Si tu t’imagines (Queneau – Joseph Kosma).
La fable, même après sa mise par écrit, reste dans son principe un texte oral, susceptible de voyager en liberté, d’emprunter et de s’adapter aux différents contextes qu’elle rencontre :
« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ! »
Cette célèbre maxime de Lavoisier qui, bien que datant du XVIIIème, est encore d’actualité et parle pour elle-même puisqu’elle est inspirée d’Anaxagore, philosophe grec présocratique du V ème siècle avant J.-C !
Cette mise en garde du temps qui passe, de notre insouciance, du Cueille le jour, s’oppose à l’angoisse du lendemain qui nous fait prévoir, amasser, accumuler des choses inutiles ou superflues. Les musiciennes feront entendre cette exaltation du monde moderne avec Pub II (Georges Aperghis) et La complainte du progrès-Arts ménagers (Boris Vian).
Cette attitude est décrite à l’extrême jusqu’à ne vivre plus que de souvenirs dans Léocadia de Jean Anouilh avec Les chemins de l’amour (Anouilh – Francis Poulenc).
Rhétoriqueurs, fabulistes, oulipiens, poètes du XXème siècle, compositeurs ou chansonniers jouent avec les contraintes et les libertés des règles littéraires et musicales.
Les morceaux musicaux sont annoncés, ponctués, intercalés ou conclus par des extraits littéraires d’auteurs au même état d’esprit de recherche poétique, d’innovation ou d’expérimentation.
Sont convoqués : Raymond Queneau, Blaise Cendrars, Stéphane Mallarmé, Guillaume Apollinaire, Françoise Sagan, Jean Anouilh.
Hasard des dates ou contexte historique d’avant-guerre particulier : La prose du transsibérien (Cendrars), La chanson du mal-aimé (Apollinaire), Erratum musical 2 (Duchamp) ont tous été créés en 1913.
Les chansons françaises choisies ont essentiellement été écrites entre 1938 et 1958 par des auteurs ou des compositeurs qui cultivaient un amour de la langue et qui avaient des liens d’admiration ou d’amitié mutuels.
« Qu’on apprenne donc immédiatement aux élèves à conter les fables d’Esope, qui viennent après les contes de jeunes nourrices, … qu’on leur apprenne ensuite à les mettre par écritavec le même dépouillement ; les élèves auront tout d’abord à rompre le vers, ensuite à remplacer des mots par des équivalents, puis à procéder à une paraphrase plus libre, où il leur est permis d’abréger ou d’embellir ici ou là, tout en respectant la pensée du poète ». Quintilien – pédagogue latin du Ier siècle après J.-C.
Les musiciens qui ont mis en musique des poèmes ne sont-ils pas exactement dans cette démarche ? Leur façon d’embellir et de porter différemment un poème ? Un poème est par définition musical, quoi de plus naturel que de le mettre en musique ?
Le programme comporte des pièces du répertoire classique de la Renaissance au début du XXIème siècle (Machaut, Offenbach, Poulenc, Villa-Lobos), des chansons françaises ainsi que des textes de La Littérature française (Apollinaire, Cendrars, Sagan, Queneau, La Fontaine).
Jacques Offenbach (1819-1880) | La Cigale et la Fourmi Arr. Philippe Koller |
Guillaume de Machault (1300-1377) | Ma fin est mon commencement |
Blaise Cendrars (1887-1961) | La Prose du Transsibérien, extrait |
Miquèu Montanaro (*1955) | Horo na gore (ballade pour une mer qui chante) |
Marcel Duchamp (1887-1968) | Erratum musical 2 |
Stéphane Mallarmé (1842-1898) | Un coup de dés jamais n’abolira le hasard, extrait |
Isabelle Aboulker (*1938) | La Cigale et la Fourmi |
Raymond Queneau (1903-1976) | La Cimaise et la Fraction
La Fourmi et la Cigale |
Francisca Gonzaga (1847-1935) | Gaùcho O Corta-Jaca |
Françoise Sagan (1935-2004) | La Fourmi et la Cigale |
Blaise Cendrars (1887-1961) | Manifeste, extrait |
Georges Aperghis (*1945) | Pub II |
Jean Anouilh (1910-1987) | La Fourmi |
Joseph Kosma (1905-1969) | Si tu t’imagines |
Serge Gainsbourg (1928-1991) |
La Cigale et la Fourmi La recette de l’amour fou |
Etienne Liebig (*1955) | Septième fable de la femme fontaine |
Boris Vian (1920-1959) |
La complainte du progrès Arr. Philippe Koller |
Guillaume Apollinaire (1880-1918) | La Chanson du Mal-Aimé, extrait |
Jean-Christophe Lequerré (1962-2006) | Valse de La mal-aimable |
Jean Anouilh | Léocadia, extrait |
Francis Poulenc (1899-1963) |
Les chemins de l’amour Arr. Philippe Koller |
Heitor Villa-Lobos (1887-1959) | Bachianas brasileiras n° 5 – Aria
Arr. Philippe Koller |
En 1913, Marcel Duchamp dessine une scénographie pour sa composition Erratum musical : il s’agit d’un cône et de sept wagonnets. Des boules numérotées correspondent à toutes les touches d’un piano. C’est la retombée de ces boules dans les wagonnets, via le cône, qui va former la partition.
Les musiciennes ont décidé de recréer un objet similaire pour l’exécution de l’Erratum II et de l’utiliser comme élément de mise en scène central. Le cône est un gramophone qui va faire tout à tour porte-voix, fleur, entonnoir de jeu de hasard… Les sept wagonnets, outre leur utilité pour l’Erratum II, vont être l’image du voyage que narra Cendrars et qui inspira Villa-Lobos. Cela signe le côté nomade et bourlingueur de la cigale. Détournés de leur fonction de locomotion, les wagons du train deviennent de simples boîtes à provisions, amassées par la fourmi en prévision d’un pénible hiver. Ainsi, le côté sédentaire et prévoyant de cet insecte est illustré. Les différents instruments (3 flûtes, un violoncelle, deux accordéons) sont sur scène, tels d’autres animaux qui cohabitent avec nos deux insectes dans la même prairie.